Crisis Action
Rapport Annuel
2023

© Benjamin Girette, Amnesty International France

Nicola Reindorp
Directrice exécutive, Crisis Action

Regan E. Ralph
Présidente du conseil d’administration par intérim

Réflexions sur l’année écoulée

Les attaques du Hamas contre des civils israéliens le 7 octobre et la réponse militaire écrasante du gouvernement israélien qui a suivi ont, comme l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine l’année précédente, mis en lumière les divisions profondes de notre monde fracturé et le prix que les civils payent pour les actes de ceux qui cherchent à imposer leur volonté par la force militaire.

Cette crise, comme d’autres en 2023, a aussi démontré la valeur du modèle et le rôle unique de Crisis Action.

À un moment où le système multilatéral est mis à rude épreuve, nous avons soutenu les efforts des familles de plus de 100 000 Syriens disparus ou détenus de force, en les aidant à remporter une remarquable victoire, quand l’Assemblée générale des Nations unies a voté la création d’une nouvelle institution chargée de faire la lumière sur le sort et le lieu de détention de toutes les personnes disparues en Syrie et de soutenir les victimes, les survivants et les familles.

Nous avons également travaillé avec des personnes incroyables, qu’elles soient d’Éthiopie, du Soudan et du Sahel, pour faire entendre leurs demandes en faveur de la paix. Nous avons aidé nos partenaires éthiopiens à lancer un observatoire de la société civile pour le processus de paix en Éthiopie piloté par l’Union africaine, qui est le premier du genre. Concernant le Soudan, nous avons relayé la demande d’activistes soudanaises et africaines qui ont appelé les Émirats arabes unis à cesser de soutenir les Forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) et à mettre fin à l’escalade de l’horreur de la violence sexuelle qui affecte durablement des vies et des communautés entières. Au Sahel, nous avons soutenu la Coalition citoyenne pour le Sahel – que nous avons contribué à créer – pour qu’elle se solidarise et se concentre sur des objectifs stratégiques au lieu de sombrer dans le désespoir et la peur.

Tout au long de l’année, nous avons effectué un travail de coordination pour la diffusion de pétitions et l’organisation de manifestations, de conférences de presse et de déclarations publiques, de délégations et de discussions. Nos partenaires étaient aussi bien d’anciens chefs d’État que des commandants militaires, des analystes politiques, des médecins, des lauréats du prix Nobel de la paix ou des activistes moins connus mais tout aussi déterminés. Nous avons échangé avec des décideurs politiques au plus haut niveau au sein de gouvernements et d’organisations multilatérales du monde entier.

Au cours de cette année où les changements géopolitiques se sont enchaînés à une vitesse vertigineuse et où les menaces pesant sur les civils se sont intensifiées, notre action a constamment été guidée par une conviction fondamentale : que les civils, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent, doivent être protégés dans les conflits. Et nous avons été encouragés par nos nombreux partenaires à travers le monde, qui partagent notre point de vue et qui ont souligné la valeur et l’impact de notre travail.

Le résumé qui suit de nos activités au cours de l’année 2023, s’accompagne de remerciements :

À nos partenaires, pour le privilège qui est le nôtre de pouvoir travailler avec vous.

À nos donateurs, car c’est grâce à vous que ce travail est possible.

Si vous n’avez pas encore travaillé avec nous ou si vous n’êtes pas encore donateur, nous espérons que vous vous joindrez à nous dans cet effort collectif urgent afin de sauver des vies et, selon les termes de la Charte des Nations unies, de préserver les générations futures du fléau de la guerre.

Introduction

En 2023, Crisis Action a travaillé, avec ses partenaires, sur les conflits en Israël et le territoire palestinien occupé, en Syrie, au Soudan, au Sahel, au Yémen, en Ukraine, en Éthiopie et au Myanmar. Nous avons répondu à de nouveaux conflits et à leur escalade, poursuivi notre dialogue stratégique sur des différends tenaces et cherché à promouvoir la mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes face aux violences et abus des droits humains. Nous avons jeté des ponts entre les sociétés civiles de plusieurs continents, en créant parfois des alliances inédites, et soutenu des coalitions et des actions de plaidoyer menées par des citoyens en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient.

Voici quelques faits marquants de l’année qui montrent comment notre approche souple, stratégique et fondée sur la mise en réseau, peut contribuer à réduire la violence, à réaffirmer les droits des civils et à promouvoir l’obligation de rendre des comptes et une paix durable.

2023 Impact - Les temps forts

ISRAEL ET LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPE

  • Sous l’impulsion de Crisis Action, une collaboration au niveau mondial, notamment via la campagne #CeasefireNOW, a contribué à faire pression pour aboutir à une pause humanitaire de six jours à la fin novembre. Cette pause humanitaire a permis l’acheminement d’une partie de l’aide à Gaza et la libération de plusieurs otages israéliens et prisonniers palestiniens.
  • Un appel au cessez-le-feu lancé par l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a été adopté le 13 décembre, après que le Canada, l’Australie et le Japon ont fait partie des 30 gouvernements qui ont changé de position pour voter en sa faveur. Crisis Action a travaillé avec plusieurs partenaires avant un précédent vote de l’AGNU pour obtenir des soutiens en faveur d’une trêve humanitaire.
  • Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui exige « l’acheminement immédiat, sûr et sans entrave d’une aide humanitaire à grande échelle » a été adoptée le 22 décembre, sans réussir à imposer le cessez-le-feu demandé par les partenaires et alliés de Crisis Action dans le monde entier. La Russie et les États-Unis se sont abstenus lors du vote, tandis que les 13 autres membres du Conseil ont voté pour.

SYRIE

  • Une coalition d’organisations de familles syriennes, représentant plus de 100 000 Syriens toujours portés disparus, qu’ils aient été enlevés ou qu’on les ait fait disparaître, a remporté une victoire historique : convaincre l’Assemblée générale des Nations unies de voter en faveur de la création d’une nouvelle institution indépendante chargée de faire la lumière sur le sort de toutes les personnes disparues en République arabe syrienne et sur le lieu où elles se trouvent, et de soutenir les victimes, les survivants et les familles.

SOUDAN

  • Une délégation d’activistes de premier plan a influencé les décisions d’une réunion ministérielle de l’Union africaine en appelant à une plus grande cohésion dans l’ensemble des initiatives de paix au Soudan, à l’arrêt du soutien de différents bailleurs de fonds aux factions belligérantes du Soudan et à l’inclusion des femmes et des jeunes dans le processus de paix.
  • Des milliers de personnes se sont jointes à #SpeakOutOnSudan, une initiative lancée sur les réseaux sociaux, pour exiger que les Émirats arabes unis (EAU) cessent de soutenir les Forces paramilitaires de soutien rapide, qui sont accusées de commettre d’horribles crimes, notamment une campagne de violences sexuelles à l’encontre des femmes et des filles. Cette initiative a reçu le soutien de dirigeantes africaines de haut niveau, notamment celui d’une ancienne cheffe d’État, et a permis de renforcer la pression internationale sur les Émirats arabes unis pour qu’ils changent d’approche.

UKRAINE

  • Des groupes de la société civile ont participé à un effort couronné de succès pour empêcher la Russie de retrouver son siège au Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies lorsque la question a été soumise au vote de l’Assemblée générale des Nations Unies en octobre. La pression de la société civile a joué un rôle clé dans l’expulsion de la Russie du Conseil en 2022, qui a fait suite à son invasion de l’Ukraine.
  • À l’approche du sommet des BRICS qui s’est tenu au mois d’août, et dans le cadre d’un effort plus large visant à amplifier les demandes des pays du Sud pour que la Russie respecte davantage le droit humanitaire international, quatre grandes fondations philanthropiques d’Afrique du Sud ont collaboré pour la première fois à une lettre commune appelant les chefs d’État africains à faire part de leurs attentes à l’égard de la Russie pour qu’elle respecte les civils et mette fin aux actions menaçant la sécurité alimentaire en Afrique.

ETHIOPIE

  • Un groupe panafricain d’ONG a réfuté l’affirmation du Premier ministre Abiy Ahmed selon laquelle « l’Éthiopie est désormais en paix » en lançant un mécanisme de suivi par la société civile, le premier du genre, qui propose des informations et analyses en temps réel sur les menaces à la paix et plaide pour que le processus de paix mené par l’Union africaine soit étendu à d’autres régions, et pour qu’il inclue les femmes et les jeunes.

SAHEL

  • La Coalition citoyenne pour le Sahel a poursuivi ses efforts pour promouvoir une approche de la paix et de la sécurité plus efficace et davantage axée sur les populations, par le biais de délégations qui ont rencontré des décideurs politiques à Niamey en juin, et au sein de l’organisation régionale de la CEDEAO en novembre.
  • Les membres de la Coalition ont influencé le contenu du plan de retrait de la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali (MINUSMA) présenté au Conseil de sécurité par le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, à la suite de la décision abrupte des autorités maliennes d’exiger le retrait de la mission.

L’ESPACE CIVIQUE À L’UNION AFRICAINE

  • Crisis Action a été saluée par ses partenaires et plusieurs décideurs politiques pour son rôle dans l’approfondissement de l’engagement de la société civile auprès des décideurs politiques de l’Union africaine (UA). La deuxième Retraite stratégique annuelle organisée à Addis-Abeba entre la société civile africaine et le département des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité (PAPS) de l’UA a été décrite par ces partenaires comme un « tournant » et un « moment clé dans l’histoire de l’engagement des OSC auprès de l’UA ». L’ambassadeur Frédéric Gateretse-Ngoga, Conseiller principal au bureau du Commissaire chargé des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité de la Commission de l’Union africaine, a salué le rôle de Crisis Action comme étant « essentiel pour générer des politiques centrées sur l’humain qui donnent la priorité aux civils ».

ISRAEL ET LE TERRITOIRE
PALESTINIEN OCCUPE

Un rassemblement en soutien à Gaza devant l’Opéra Süreyya à Istanbul

Catalyser un appel mondial à l’action

Le 7 octobre, le Hamas a lancé une attaque surprise contre Israël, tuant plus de 1 100 personnes et faisant plus de 200 prisonniers.

La réponse d’Israël a été à la fois rapide et implacable. Des milliers de personnes, dont des enfants, ont perdu la vie dans les bombardements intenses qui ont frappé des hôpitaux, des écoles et des bâtiments des Nations unies, suscitant des accusations de graves violations du droit international humanitaire. L’approvisionnement en eau, en électricité et en nourriture ayant été coupé, la situation s’est doublée d’une catastrophe sanitaire.

La situation des civils à Gaza a été décrite par les Nations unies et d’autres responsables comme « inimaginable » et « infernale ». Le responsable des secours d’urgence de l’ONU, Martin Griffiths, a décrit Gaza comme la pire crise humanitaire qu’il ait jamais connue. Pendant ce temps, la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée par Israël, y compris à Jérusalem-Est, s’est aggravée. Le Secrétaire général des Nations unies a invoqué un article rarement utilisé de la Charte des Nations unies pour décrire l’escalade de la situation comme une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Dans les heures qui ont suivi les attaques du Hamas, Crisis Action a commencé à réunir et à consulter ses partenaires et a lancé une réponse d’urgence visant à protéger tous les civils. Après avoir rapidement trouvé un terrain d’entente sur les priorités avec nos partenaires, nous nous sommes efforcés de coordonner, de mobiliser et d’amplifier les voix influentes sur les messages clés identifiés par nos partenaires : un cessez-le-feu, la libération des otages, l’accès humanitaire, le respect du droit international humanitaire (DIH) et la nécessité de s’attaquer aux causes profondes du conflit.

Appel au cessez-le-feu immédiat (ceasefireNOW) à Kathmandu, au Népal. Crédit photo: Amnesty International Népal
Appel au cessez-le-feu immédiat (ceasefireNOW) à Kathmandu, au Népal. Crédit photo: Amnesty International Népal

En 30 ans, je n’ai jamais vu un niveau de coordination aussi stratégique et sans égo par un groupe comme Crisis Action. Un immense merci à toute l’équipe de Crisis Action.”

Paul O’Brien, Directeur général, Amnesty International USA.

Notre action a consisté à coordonner et à amplifier les déclarations et lettres communes de nos partenaires humanitaires et de défense des droits humains, ainsi qu’à nouer des contacts avec des personnes et organisations juives, militaires, humanitaires et de défense des droits humains.

Pour que les médias du monde entier aient accès à des points de vue directs de Gaza, nous avons créé un groupe WhatsApp mettant en contact plus de 700 journalistes internationaux avec des organisations de la société civile palestinienne de confiance. Un journaliste de premier plan s’est fait l’interprète de nombre d’entre eux en qualifiant ce groupe de « précieux ». Nous avons organisé, à l’intention des décideurs politiques du monde entier, une série de réunions avec nos partenaires qui ont fourni des informations très précieuses à des responsables allant de l’Union africaine au Conseil national de sécurité du gouvernement américain.

Nous avons également organisé une mobilisation via la campagne #CeasefireNOW qui demande la libération des otages et l’arrêt du cycle de violence à l’origine de cette catastrophe humanitaire. Une lettre conjointe a obtenu le soutien de plus de 800 organisations en quelques jours et une pétition destinée aux particuliers a rapidement recueilli plus d’un million de signatures. Nous avons veillé à ce que cette lettre et cette pétition parviennent aux diplomates des Nations unies avant le vote de l’Assemblée générale des Nations unies sur une trêve humanitaire.

Une journée mondiale d’action a réuni des centaines d’organisations locales, régionales et internationales autour de l’appel au cessez-le-feu. Des actions ont eu lieu devant les parlements, monuments et espaces publics de plus de 90 pays, tandis qu’en ligne, plus de 50 000 messages ont été publiés rien que sur la plateforme X (anciennement Twitter), vus par plus de 100 millions de personnes.

Cet effort collectif mené par Crisis Action a incité le gouvernement français et l’administration américaine à appeler à une pause humanitaire et a permis à d’autres gouvernements alarmés par l’escalade de la catastrophe de changer de position. Cette pression continue a créé un écho profond dans les cabinets gouvernementaux et a fait basculer l’opinion publique en faveur de la protection des vies civiles.

Cette campagne a continué à démontrer le rôle unique et précieux de Crisis Action, au cœur de l’effort mondial qui exige une action plus efficace et cohérente pour la protection de tous les civils dans les conflits, tant en Israël ou dans le territoire palestinien occupé, que dans le reste du monde.

Représentants d’organisations humanitaires devant les Chambres du Parlement à Londres. Crédit photo: CARE International UK.
Représentants d’organisations humanitaires devant les Chambres du Parlement à Londres. Crédit photo: CARE International UK.

Mettre fin à un conflit, protéger les civils et négocier la paix nécessite toujours de l’innovation et de la collaboration. Qu’il s’agisse de ses efforts pour galvaniser un appel mondial au cessez- le-feu à Gaza ou de son travail en coulisses sur la Syrie et le Soudan, Crisis Action a accompli un travail essentiel pour canaliser et concentrer les efforts d’une grande variété d’organisations et d’individus dans le but d’imposer le respect des principes humanitaires et de sauver des vies. J’ai pu constater personnellement l’impact indispensable que cela pouvait avoir sur les choix des décideurs. Je ne saurais trop les en remercier. ”

Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires et Coordinateur des Secours d’urgence des Nations unies

SYRIE

Fadwa Mahmoud, co-fondatrice de l’organisation de familles syriennes Familles pour la Libertés, au micro d’Al Jazeera. Crédit photo: Guido Neira.

Une victoire pour les familles des personnes disparues

La guerre en Syrie, qui dure depuis plus de 12 ans, est un fléau pour l’humanité. Les Syriens de toutes les régions du pays et de tous bords ont particulièrement souffert du sort qui a été réservé à plus de 130 000 de leurs proches disparus, y compris des membres de leur famille disparus de force, enlevés, torturés ou détenus arbitrairement.

Le travail de Crisis Action avec les associations de familles, de survivants et de victimes syriennes a été récompensé par une victoire éclatante résultant d’un plaidoyer créatif et déterminé, obtenu dans un contexte de blocage prolongé du système multilatéral. Le 29 juin, l’Assemblée générale des Nations unies a voté en faveur de la création de l’Institution indépendante sur les personnes disparues de la République arabe syrienne (IIMP), une réalisation historique visant à combler les lacunes de l’assemblage actuel d’institutions qui s’occupent des personnes disparues en Syrie. Il s’agit non seulement d’une victoire historique pour les familles syriennes, mais la nouvelle institution centrée sur les victimes pourrait également servir de précédent pour des crises futures, en fournissant un modèle sur la façon de traiter le sort souvent négligé des personnes disparues et de leurs familles.

L’étroite collaboration de Crisis Action avec les familles touchées a été déterminante pour le succès de cette campagne. Le Truth and Justice Charter Group, formé pour la première fois en 2021, comprend dix organisations syriennes qui se consacrent à faire la lumière sur le sort des disparus. Crisis Action a coordonné leur cheminement à travers les processus labyrinthiques nécessaires à la création d’une institution de l’ONU, en organisant des consultations avec des responsables de l’ONU à tous les niveaux (y compris le Secrétaire général lui-même) et avec des États membres de l’ONU de toutes les régions du monde. Nous avons soutenu leurs efforts pour faire passer leur message auprès du public, en coordonnant des événements en marge de l’ONU et d’autres forums publics, et en organisant des événements médiatiques et des interviews avec la presse.

Les familles savaient exactement ce qu’il fallait faire et se sont montrées convaincantes dans leur plaidoyer. Par leur vote, de nombreux diplomates leur ont rendu hommage. Comme l’a déclaré l’ambassadeur Olivier Maes du Luxembourg, « le plaidoyer inlassable de ces familles et leur lutte pour revendiquer leur droit de savoir et de faire la lumière sur le sort de leurs proches disparus sont la force motrice de cette initiative ». Un autre observateur a décrit les efforts déployés pour créer cette institution des Nations unies comme « une master class en matière de plaidoyer mené par les survivants ».

Une vidéo produite par Crisis Action sur les efforts de plaidoyer en faveur de la création de cette institution peut être visionnée ici :

Crisis Action a joué un rôle clé dans la création de l’institution pour les familles syriennes. Ils ont fourni des conseils stratégiques astucieux et ont veillé à ce que toutes les parties prenantes écoutent les demandes des familles. Ce fut un plaisir d’observer cette étroite coopération qui a conduit à une réalisation unique pour obtenir justice pour tous les Syriens.”

Hanny Megally, membre de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur la République arabe syrienne et Directeur adjoint du Centre sur la coopération internationale (Center on International Cooperation, CIC) à NYU.

SOUDAN

Des réfugiés du Darfour ont traversé la frontière avec le Chad pour échapper aux violences ethniques. Photo de Sven Torfinn/Panos Pictures.

Mobiliser l’attention internationale pour mettre fin aux atrocités

Le 15 avril, une violente guerre a éclaté entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces paramilitaires de soutien rapide (RSF). Cette lutte acharnée entre d’anciens alliés a fait plus de 10 000 morts et 7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du Soudan et dans les pays voisins. « Quelle que soit l’analyse que nous en faisons, nous ne sommes pas au bord du précipice qui déboucherait sur une catastrophe humaine, mais au beau milieu de cette catastrophe humaine », a déclaré en juillet 2023 Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale, à propos de la situation au Darfour.

Crisis Action a réagi en faisant écho aux voix des activistes soudanais, en détournant les médias de l’idée selon laquelle cette guerre ne serait qu’un « combat entre deux généraux », en réunissant une coalition de partenaires soudanais et panafricains pour influencer l’Union africaine (UA) et en soutenant une campagne visant à isoler les Émirats arabes unis (EAU), considérés comme l’un des principaux artisans de la détérioration de la paix au Soudan.

En novembre, nous avons soutenu une délégation de neuf dirigeants de la société civile soudanaise et de la région, qui s’est rendue à Addis-Abeba pour rencontrer des responsables chargés de coordonner l’action internationale sur le Soudan. Le message de la délégation était clair : les efforts de la communauté internationale pour négocier la paix ont été mal coordonnés, sélectifs et inefficaces, ciblant différentes puissances régionales qui poursuivaient leurs propres intérêts et gâchaient par leur approche les perspectives de paix.

Leurs recommandations, selon lesquelles l’UA devrait tenir compte de l’avis de la société civile sur les personnes qui devraient participer au processus de paix et devrait utiliser tous les leviers à sa disposition pour contrer les objectifs des parties responsables des atrocités et du conflit, ont été reflétées à la fois dans les résultats d’une réunion ministérielle ultérieure, et dans la déclaration finale d’une réunion qui s’est tenue en décembre entre responsables de l’UA.

Une délégation de la société civile rencontre l’Ambassadeur du Kenya à Addis Abeba.
Une délégation de la société civile rencontre l’Ambassadeur du Kenya à Addis Abeba.

En ce moment critique de l’histoire du Soudan, les voix qui appellent à la paix et à la réconciliation doivent atteindre les décideurs politiques susceptibles d’apporter un véritable changement au peuple soudanais. Je suis reconnaissante du travail en coulisse mené par Crisis Action pour créer ces liens et faire en sorte qu’ils aient un impact à long terme. C’est en travaillant ensemble que nous travaillons le mieux.”

Kholood Khair, analyste politique soudanaise et Directrice fondatrice de Confluence Advisory

RUSSIE

Illustration de Doxa Magazine.

Remettre en cause l’autocratie

En 2023, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a continué de faire de nombreuses victimes parmi les civils. Le Kremlin a maintenu son soutien aux régimes criminels en Syrie et en Biélorussie, a continué à déployer des mercenaires du groupe Wagner au Sahel et aurait fomenté un coup d’État en Moldavie. Dans le même temps, l’État russe a considérablement accru la suppression des droits de ses propres citoyens et renforcé la censure des médias, tout en utilisant des plateformes appartenant à l’État et les réseaux sociaux pour diffuser de la désinformation.

Crisis Action a continué à soutenir la société civile russe pour contrer le discours du Kremlin et la justification de ses actions, tant au niveau national qu’international, et pour faire entendre d’autres voix russes dans les médias au niveau mondial.

Nous avons facilité les relations de partenariat entre acteurs de la société civile mondiale et décideurs politiques dans la région MENA et aux Nations unies, en permettant à des journalistes russes indépendants d’entendre des témoignages sur le conflit syrien et en offrant aux analystes la possibilité d’explorer les moyens de lutter contre l’impunité qui prévaut dans les conflits de la région MENA, au Sahel et en Ukraine.

Nous avons continué à soutenir le mandat de la toute première Rapporteure spéciale sur la situation des droits humains dans la Fédération de Russie en facilitant la visite une délégation de haut niveau à New York au moment de la présentation devant l’Assemblée générale du premier rapport de la Rapporteure, qui établit un lien entre la répression interne en Russie et les violations commises contre des civils à l’étranger.

ETHIOPIE

Paniers artisanaux éthiopiens.

Promouvoir une paix durable

En novembre 2022, le gouvernement éthiopien et le Front de libération du peuple du Tigré ont signé un accord de cessation des hostilités (CoHA), une première lueur d’espoir dans l’un des conflits les plus meurtriers au monde qui a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes et en a déplacé des millions d’autres. Une paix fragile s’est maintenue dans le Tigré jusqu’en 2023, mais la situation humanitaire est restée désastreuse et l’accord n’a pas abordé les troubles et les violences en cours dans d’autres régions, notamment dans l’Amhara, l’Oromia et l’Afar.

La stratégie de notre campagne s’est concentrée sur le renforcement du processus de paix mené par l’UA afin de le rendre plus durable. Plus précisément, nous avons plaidé avec nos partenaires pour que le processus s’étende à d’autres régions et parties belligérantes et pour qu’il donne la priorité à l’inclusion des femmes et des jeunes.

Nous avons fait en sorte que nos partenaires puissent s’entretenir directement avec les principaux décideurs de l’UA. Une délégation de la société civile panafricaine s’est rendue au siège de l’UA à Addis-Abeba, où elle a rencontré l’ambassadeur Bankole Adeoye, commissaire chargé des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité. L’ambassadeur Bankole a félicité le groupe pour ses propositions concrètes et pratiques.

Nos efforts pour soutenir la participation des femmes ont abouti à une réunion en ligne entre des OSC panafricaines et Phumzile Mlambo-Ngcuka, ancienne vice-présidente d’Afrique du Sud et l’une des trois médiatrices de l’UA chargées de négocier l’accord de paix. Nous avons travaillé avec Filsan Abdi, une ancienne ministre du gouvernement éthiopien, pour faire entendre son appel en faveur de la représentation des femmes dans le processus de paix. Filsan Abdi a publié une tribune sur Al Jazeera et dans The Ethiopian Reporter, qui a été vue par près de 9 millions de personnes sur les réseaux sociaux, et a suscité un débat qui a conduit à une couverture supplémentaire dans les médias de langue anglaise et amharique.

Filsan Abdi parle de l’importance de la représentation des femmes dans le processus de paix éthiopien sur le plateau du Seifu Fantahun Show en langue amharique sur la chaîne EBS.
Filsan Abdi parle de l’importance de la représentation des femmes dans le processus de paix éthiopien sur le plateau du Seifu Fantahun Show en langue amharique sur la chaîne EBS.

J’ai eu la chance de travailler avec Crisis Action sur les efforts pour renforcer l’accord de paix obtenu par le gouvernement éthiopien et le Front de Libération du Peuple du Tigré. Il est primordial que les femmes et les filles aient une place à la table des discussions – et Crisis Action était à nos côtés dans notre combat pour atteindre ce but.”

Filsan Abdi, ancienne Ministre éthiopienne pour les Femmes, les Enfants et la Jeunesse, est la Directrice Fondatrice du Horn Peace Institute.

En outre, nous nous sommes associés au Daily Maverick en Afrique du Sud pour organiser un webinaire largement diffusé avec les directeurs exécutifs de deux partenaires de Crisis Action, Atrocities Watch Africa et l’African Leadership Centre. L’événement a attiré l’attention sur les lacunes du processus de paix et a fait des propositions sur la manière dont la société civile peut soutenir la construction de la paix.

Crisis Action a également travaillé avec des partenaires locaux, régionaux et internationaux pour lancer un mécanisme de suivi de la CoHA par la société civile, le premier du genre. Ses conclusions ont été publiées dans un rapport intitulé Ethiopia Watch, qui détaille méticuleusement les lacunes les plus criantes de l’accord, dues à la fois à son champ d’application limité et aux échecs de sa mise en œuvre. Le rapport a fourni des recommandations pour de futures actions et a servi de base à la poursuite d’un plaidoyer issu de cette coalition de la société civile auprès de l’UA, du gouvernement éthiopien, de l’administration intérimaire du Tigré, de la force de défense du Tigré et du gouvernement américain.

Le lancement du rapport a été largement couvert par des médias de haut niveau (en anglais et en amharique), amplifié sur les réseaux sociaux avec le hashtag #EyesOnEthiopia et présenté lors d’un événement de lancement virtuel avec plus de 200 participants.

La campagne a permis de contrer le discours délétère selon lequel l’Éthiopie serait désormais en paix.

Crisis Action sait unifier la société civile comme personne. Elle permet aux organisations de co-créer des stratégies collectives à la fois originales et percutantes.”

Dismas Nkunda, Directeur exécutif d’Atrocities Watch Africa

SAHEL

Un homme s’occupe du feu dans un camps de déplacés à Bamako, au Mali. Photo de Pascal Maitre / Panos Pictures.

Plaidoyer pour une approche centrée sur les personnes au Sahel

Les troubles au Sahel se sont intensifiés au cours de 2023 sans que les médias internationaux ne s’en émeuvent. La violence extrême des groupes extrémistes armés, associée aux opérations de sécurité visant à les affronter, a menacé les civils au Burkina Faso, au Mali et au Niger, entraînant des déplacements massifs de populations et une augmentation des besoins humanitaires. Un coup d’état a eu lieu au Niger en juillet, le cinquième dans la région depuis 2020.

Face au rétrécissement de l’espace civique et aux atteintes à la liberté d’informer, Crisis Action a réagi en renforçant son soutien à la Coalition citoyenne pour le Sahel dans le but de consolider une culture de collaboration et de solidarité entre des organisations nationales, régionales et internationales, et de permettre à cette coalition de devenir une entité totalement indépendante.

Ces efforts ont été remis en cause par l’aggravation de l’instabilité et de la polarisation politiques. Les autorités militaires qui dirigent actuellement les trois pays du Sahel central (Burkina Faso, Mali et Niger) ont réagi à la menace croissante des groupes armés en donnant toujours plus la priorité à l’action militaire. Leur recours à des mercenaires étrangers et à des milices d’autodéfense n’a pas permis de rétablir la sécurité mais au contraire a rendu les populations civiles encore plus vulnérables.

Le tissu social s’est fracturé et nos partenaires se sentent désormais menacés et intimidés. Certains membres de la Coalition citoyenne ont été la cible de discours haineux en ligne ou ont été arrêtés et détenus. En décembre, l’un d’entre eux, le Dr Daouda Diallo, a été enlevé en plein jour devant un bâtiment officiel au Burkina Faso.

Une réunion de la Coalition citoyenne pour le Sahel à Niamey, au Niger.
Une réunion de la Coalition citoyenne pour le Sahel à Niamey, au Niger.

La Coalition citoyenne pour le Sahel, soutenue par Crisis Action, offre un espace d’échange et de solidarité pour la société civile sahélienne, victime d’un rétrécissement sans précédent de l’espace civique. Avec notre Coalition nous nous sentons plus en mesure de continuer à témoigner des violations des droits humains commises par toutes les parties au Sahel, malgré les menaces. Grâce à la Coalition citoyenne, nous résistons ensemble.”

Binta Sidibé-Gascon, présidente de l’Observatoire Kisal, membre de la Coalition citoyenne pour le Sahel.

RECETTES (£) 2023 (£) 2022 (£) 2023 ($) 2022 ($)
Fondations et particuliers 2,752,351 2,226,767 3,409,888 2,758,741
Gouvernements 420,964 610,231 521,532 756,016
Contributions des partenaires 130,546 123,261 161,733 152,709
Autres 28,473 157,345 35,275 194,935
Intérêt 6,796 439 8,420 543
Total 3,339,130 3,118,043 4,136,848 3,862,944
DÉPENSES (£) 2023 (£) 2022 (£) 2023 ($) 2022 ($)
Salaires et charges afférentes 3,149,425 2,631,804 3,901,823 3,260,542
Locaux 236,418 180,347 292,898 223,432
Déplacements et frais connexes 198,425 147,966 245,829 183,315
Informatique, communications et fournitures de bureau 133,524 131,523 165,423 162,944
Publications 40,819 50,730 50,570 62,849
Évènements 19,110 11,038 23,675 13,674
Frais professionnels 86,038 79,215 106,592 98,139
Dépréciation d'actif 14,105 19,818 17,474 24,553
Charges financières - 76,203 - 51,923 - 94,408 - 64,327
Dépréciation 6,166 10,716 7,639 13,276
Total 3,807,826 3,211,233 4,717,516 3,978,397
DÉFICIT/EXCÉDENT 2023 (£) 2022 (£) 2023 ($) 2022 ($)
(Déficit)/Excédent avant imposition 468,696 93,190 580,667 115,453
Imposition 0 508 0 629
(Déficit)/Excédent après imposition 468,696 92,682 580,667 114,824

Taux de change au 31 mai 2023 (USD) £1 =US$1.2644

Taux de change au 31 mai 2022 (USD) £1 = US$1.4192

Bilan comptable de l'année

Pour l'exercice clos le 31 mai 2023

Revenu total

Crisis Action a joué un rôle essentiel dans la coordination de la réponse de la société civile panafricaine aux conflits en Ukraine et à Gaza. Un engagement plus profond entre les OSC et les décideurs politiques africains est essentiel pour générer des politiques centrées sur l’humain, qui donnent la priorité aux civils – Crisis Action y veille par le travail qu’elle accomplit.”

L’ambassadeur Frédéric Gateretse-Ngoga, Conseiller principal sur les Partenariats internationaux, le Programme frontalier de l’UA et les Mécanismes de sécurité régionaux au sein du bureau du commissaire chargé des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité de la Commission de l’Union africaine.